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Un enfant comme les autres

  • Un enfant comme les autres
Genre : Théâtre

Texte et mise en scène Mohamed Rouabhi
Le texte de la pièce est édité chez Actes Sud-Papiers
Texte inspiré et adapté à partir de Histoires enfantines de Peter Bichsel - Editions Gallimard
Spectacle à partir de 7 ans.


Nathalie Lerat, lumière
Julien Barbazin, direction technique

L'homme, Jean Bediebe
La femme, en alternance Mylène Wagram/Gladys Arnaud
L'enfant, Olivier Dote Doevi



Une coproduction Compagnie Les Acharnés.
ARCADI (Action Régionale pour la Création Artistique et la Diffusion en Ile-de-France).
Avec l'aide à la création des œuvres dramatiques de la DMDTS - ministère de la Culture et de la Communication.
La Compagnie est subventionnée par la DRAC Ile-de-France et le Conseil général de Seine-Saint-Denis.

Quelques mots de la pièce

Le jour où j'ai sauvé l'humanité

A une époque, au tout début des années 80, je vivais entre autres de petits boulots. Il existait encore à Pantin, le long de la rue du Chemin de fer qui allait de la gare de Pantin à la Porte de la Villette, un marché aux puces qui se tenait tous les dimanches matin, de 5h à 12h. C'était paraît-il les plus vieilles puces de Paris, elles dataient de la Commune de 1870. J'y achetais des livres, des disques, des revues que je revendais d'une semaine à l'autre, au même endroit. C'est là que j'ai acquis la plupart des ouvrages que je possède actuellement, à peu près deux mille volumes. Tout se vendait à moins de 2 francs et même à moins de 1 franc. Les livres d'art, les dictionnaires, les livres reliés pouvaient atteindre 5 francs ou plus.
Les disques, rarement au-dessus de dix francs.
Des étudiants peu fortunés, des clochards, des immigrés, des jeunes intellectuels sans le sou venaient s'agglutiner devant les étalages de fortune, quelque soit le temps, à la recherche d'un bouquin, d'un disque de jazz, de copies de cassettes de Fairuz, de livres pour enfants, de vêtements bon marché. Certains vagabonds y vendaient même des mégots de cigarette.

Peu avant midi, un véhicule de nettoyage de la voirie se présentait côté Porte de la Villette, prêt à remonter l'étroite ruelle jusqu'à Pantin, la citerne remplie.
A midi pile, le chauffeur ouvrait les vannes et avançait doucement au milieu de la rue pavée, les râteaux de chaque côté du camion aspergeant sans pitié des jets d'eau sous pression sur les trottoirs. Au fur et à mesure qu'il s'engouffrait, les vendeurs repliaient tranquillement leurs marchandises pour certains, mais pour d'autres, c'était le moment cruel du "débarrassage". Le débarrassage consistait à solder les objets restants lors d'un impitoyable rituel d'enchères fatales. Le vendeur s'emparait d'un vêtement, il annonçait le prix, une fois, deux fois, trois fois, si personne ne levait la main, il déchirait l'habit et le jetait par terre un peu plus loin. De même avec la vaisselle, les bibelots, de petits meubles d'appoint démolis au marteau, des disques en vinyl désintégrés sous la botte. J'ai vu des vendeurs briser entièrement la marchandise qu'ils avaient essayé de vendre sans succès toute la matinée. Parfois, des badauds, choqués par ce sabordage, achetaient n'importe quoi, au dernier moment. Je n'ai jamais su si ce geste était motivé par une mansuétude soudaine pour le pauvre homme qui détruisait le peu de bien qu'il possédait encore ou s'ils avaient tout à coup pitié de cette soupière et du micro patrimoine ménager français des années 80.
Toujours est-il que moi-même, un jour, révolté par la destruction d'une dizaine de livres à laquelle je venais d'assister impuissant, je décidai d'acheter ce qui restait sur l'étal du criminel sans même jeter un œil aux ouvrages. Je repartais avec un tas de bouquins dans mon sac, convaincu malgré le poids imposant de la marchandise que j'aurais à traîner jusque chez moi, que je venais d'accomplir ce geste salvateur, dont l'humanité toute entière reconnaitrait un jour la portée historique.

Dans ce fatras de livres incongrus, il y avait "Histoires Enfantines", de Peter Bichsel. Je ne le découvris pas moins de neuf années plus tard, en déménageant !
Nous venions de créer la Compagnie Les Acharnés avec Claire Lasne, au sortir de l'Ecole de la Rue Blanche, et à l'invitation de Jean-Claude Fall qui dirigeait alors le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, nous cherchions un texte à lire pour le festival "Enfantillages".


Le jour où je me suis souvenu de mon père

Après avoir écrit mon premier texte tout public, Jeremy Fisher, j'avais plus ou moins cessé de penser à l'écriture d'une autre pièce pour enfant.
Ce n'est que l'année dernière que commença à germer l'idée d'une autre histoire fantastique mettant en scène un enfant se retrouvant seul et devant faire face à sa propre histoire, puis à son propre destin. Comme dans Jeremy Ficher, le personnage principal raconte une histoire au passé, et l'on ne sait s'il vit encore ou s'il s'adresse à nous de l'au-delà.
C'est en relisant les "Histoires Enfantines" que me vint l'idée de réécrire 4 des petites nouvelles du livre et de les mettre en abîme. L'enfant, devenu vieux et au seuil de la mort nous raconte l'histoire de son père, lui-même à l'hôpital, qui raconte à son fils des histoires qu'il a pu vivre en étant enfant…
Je me suis souvenu alors du jour où j'avais acheté le livre à Pantin, époque qui coïncidait étrangement avec la mort de mon père, à l'Hôpital Avicenne de Bobigny, et des histoires incroyables que ce dernier me racontait, sous l'emprise d'un délire provoqué par la morphine, histoires qui lui étaient arrivées dans une vie antérieure, ou que son esprit insensé lui dictait tout au long de sa douloureuse agonie. Comme dans la pièce, je me souvenais des interminables quintes de toux, de ses yeux effrayés cherchant l'air autour de lui, de son regard perdu.


Le jour où l'on ne sait plus où se trouve la vérité

Une voix dans le noir, nous demande instamment d'écouter l'histoire qui va suivre sans essayer de parler ou de poser des questions car les minutes sont comptées pour celui qui parle et qui nous raconte. Que dit-il ?
Il nous dit qu'un jour, lorsqu'il était petit, il se trouvait dans une chambre d'hôpital avec un homme qui semblait être son père. Ce dernier est alité, visiblement malade et dévoré par la soif. L'enfant, inquiet, lui demande alors quand il sortira de cette chambre pour retourner à la maison. Le père le rassure, répond aux questions de l'enfant et lui raconte quatre histoires qui illustrent le moment précis qu'ils sont en train de vivre tous les deux. Ces histoires, il les a vécues étant lui-même petit et il s'en souvient parfaitement. Mais à la fin, il ne tient plus et demande à son fils d'aller lui chercher de l'eau. Ce dernier sort de la chambre et se perd dans l'hôpital.
Au détour d'un couloir, il se retrouve nez à nez avec une femme : c'est sa mère. Elle est femme de ménage dans l'établissement. Sa mère, très en colère après le garçon, lui demande où il est passé pendant tout ce temps. Celui-ci lui répond qu'il se trouvait avec son père, dans sa chambre. Mais la brave femme explique à son fils que son père n'existe pas, qu'il a disparu il y a bien longtemps et qu'elle craint que son fils ne soit devenu mythomane ou pire encore, qu'il ait rencontré un pervers ou un fou en la personne de cet homme qui a prétendu être son papa.
L'enfant est désorienté et triste tout à coup. Il se demande s'il a vraiment vécu ce moment ou s'il n'a fait que rêver d'un père qu'il n'a jamais connu…
La voix, dans le noir, reprend la parole. C'est l'enfant qui a vieilli et qui est lui-même malade. Il vient de se souvenir qu'à ce moment précis, il ne sait plus s'il a vraiment vécu ce moment ou non, mais que cela n'a pas d'importance, car les histoires nous permettent de vivre, de vivre par-delà la douleur, la séparation ou l'abandon. Nous avons tous un passé et nous avons tous un endroit dans notre histoire où le rêve et la réalité ont construit à notre intention une partie de nous-mêmes qui nous permet, plus tard, d'exister et de vivre notre vie.


Quelques mots de la mise en scène

Le jour où tu seras à l'hôpital


Ce jour-là, j'aurais à figurer sur le plateau de théâtre deux espaces conjoints, deux espaces qui sont schématiquement l'espace naturaliste de la chambre d'hôpital, un lit, un appareil de contrôle cardiaque, une perfusion, une chaise, une petite table etc. Et séparé par un ou plusieurs rideaux, un espace vide dans lequel prendront place les deux acteurs pour raconter les quatre histoires. Les lieux ne seront d'ailleurs pas forcément aussi hermétiques formellement. Il faut plutôt imaginer un espace narratif qui brisera la convention et qui usera d'un bout à l'autre du plateau, de multiples artifices au service de l'histoire. Les rideaux pourront dissimuler, laisser voir en transparence ou encore laisser apparaître des objets. Ils pourront servir de surface de projection d'images (films, diapositives) ou de lumière. A l'instar du célèbre comics américain Nemo, le lit, ou plutôt le dessous du lit, pourra servir de "tiroir" d'où surgissent des accessoires, des sons, des images, des cauchemars.
Le son, la musique, tiendront également une grande importance dans l'organisation scénographique.
D'une manière générale, un dispositif riche mais simple et sommaire sera la règle pour le montage de cette création. En effet, l'idée de pouvoir mettre en place et démonter rapidement le décor, est indispensable pour permettre à ce spectacle de voyager léger et de trouver sa place dans le plus grand nombre de lieux possibles.



Et un jour, beaucoup plus tard, j'étais déjà un homme, çà m'est venu comme çà, je me suis mis à y repenser pour la première fois.
Et il s'est passé une chose étrange. Je ne savais plus si j'avais vraiment vécu çà ou si je l'avais complètement inventé. J'étais incapable de savoir. De faire la différence entre ce que je croyais avoir vécu et ce qui s'était réellement passé. Je revoyais tous les moments avec précision. Mais c'était comme si ils faisaient partie de l'histoire de quelqu'un d'autre.
ça m'a fait peur. J'ai cru que je devenais vraiment fou.
Alors cette fois-là j'ai décidé de l'oublier pour de bon.
Définitivement. (…)

photo : Eric Legrand

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