Rachid Ouramdane est un magnifique danseur... il expérimente un corps polymorphe métamorphosable à l'infini, une mémoire vive capable d'enregistrer, d'effacer ou de réinscrire des éléments de la réalité contemporaine. Cette fois, et en solo, entouré de films, de sons et de paroles documents, il explore les traces physiques que les systèmes politiques inscrivent dans nos mémoires. "L'histoire politique est indissociable des formes qui l'incarnent", et pour Rachid Ouramdane, cela donne une danse d'une très belle intensité.
De quelle façon une idéologie s'incarnet-elle dans des formes sensibles ? Quelles attentes du pouvoir l'oeuvre d'art vient-elle servir ? Quels stigmates l'histoire politique laisse-t-elle sur les corps ? Aucune société, que le pouvoir y soit conservateur, libéral ou révolutionnaire, ne s'est développée en considérant l'art comme une production accessoire. Arts affiliés à l'idéal d'une nation, science héraldique, art des blasons, esthétique commémorative, réalisme socialiste, corps statufiés et monumentaux, idoles officielles et graphisme d'état… c'est cette multiplicité d'images que Rachid Ouramdane tente de faire apparaître, par le biais d'un corps en scène et d'images vidéo qui infusent sur la totalité du plateau. Entre esthétique posturale, images de virtuosité ou actions proches du Body Art, il s'agira d'endosser des types de corps validés par certains régimes politiques, d'incorporer, littéralement, les couleurs des insignes nationales ou de se fondre dans la plastique d'État. Sur une scène de leurres où la réalité se désagrège dans des espaces virtuels, c'est la dissolution du corps dans des idéaux officiels qui est mise en jeu. Une danse pure qui vole au secours de l'humain en prenant la mesure de la politique des corps. Un moment de beauté poignant dont on ressort saisi.
à 20h30