(identité, sécurité, peur, leurre... et beurre)
Postures courbées, peaux d'animaux, visages flasques... Personnages renvoyant à l'imagerie collective à propos des premiers hommes et faisant le lien avec l'évolution d'êtres "primitifs" se construisant en hommes "civilisés" et s'affirmant comme la seule espèce "intelligente".
Et dans cette histoire, un nœud : le passage d'une communication animale instinctive et non manipulée, à la PAROLE, au langage, et à la possibilité de rechercher un effet par l'émission d'un message calculé.
Prodigieux ! Possibilités immenses d'expression, de diversité ! Richesse infinie (ne dit-on pas "la parole est d'or" ?), qui, comme toute avancée humaine, recèle le pire et le meilleur...
Tout dépend de ce que chacun en fera...
- ou il emploie de "bonnes paroles", attitude qui peut être illustrée par le "cousinage à plaisanteries" africain, symbolisant un vivre ensemble heureux et le triomphe d'une co-existence fondamentale,
- ou il fait le choix du contraire, exploitant le langage pour cultiver l'intolérance et le mépris, ; porteurs de tensions, d'agressions, de destructions, voire de la négation de la vie,
- ou, inconsciemment, insidieusement, tout commence à s'embrouiller et devient un écheveau inextricable : identité rime avec sécurité, égalité avec rivalité, chance avec concurrence, bonheur avec leurre... etc. Tel le chien de Pavlov qui salivait au son de la cloche précédant le repas, l'homme acquiert un langage dont les mots engendrent des réflexes conditionnés bien huilés ; des idées galvaudées bombardent chacun de nous, des phrases répétées à l'envi comme des vérités ou des nécessités sillonnent notre cerveau et s'incrustent dans notre espace mental : l'étranger devient l'ennemi, l'original devient condamnable, l'avenir se résume à une ambition de pacotille - et cette "troisième voie" devient un engrenage, une sorte d'aliénation dont on ne peut sortir qu'en se torturant les méninges.
Le spectacle appelle à cet effort en "allers-retours" comiques qui remueront le public, l'amenant, à travers des situations apparemment loin de l'actualité, à plonger dans la vie quotidienne.
Le personnage La Parole apostrophe le public, il va nous révéler une légende africaine, nous faire entrer dans le bon ton entre "cousins croisés", soit celui de la plaisanterie, planche de salut accompagnée du respect et du partage.
Des filles désobéissent et, franchissant des interdits, inventent de nouvelles aventures. Le père veille, et de loin, fera le nécessaire pour que tout aille pour le mieux.
Pas vraiment dans le meilleur des mondes, cependant. Que les scènes se passent dans l'au-delà (approche ethnique), sur la place publique (approche religieuse), dans un aéroport où dans un point chaud du globe (approche identitaire), toutes disent la vulnérabilité de l'être humain.
Mais toutes disent aussi, que le pire, vraiment, n'est jamais certain.
Que les hommes se donnent la peine de se saisir de tous les apports des rencontres (vitales) que leur offre leur passage sur la terre, et la morale de l'histoire soulignera que l'évolution de notre espèce peut rompre avec une compétition autodestructrice.
Cinq comédiens sur scène, beaucoup d'énergie, d'humour, et de l'absurde faisant écho au réel, une confrontation salutaire qui au final nous aide à tenter d'interroger et interpréter le monde sans interdit.
Tout au long de la pièce, la règle sera l'utilisation de la menace et de la peur, contrebalancées, comme toujours avec la Compagnie Bou-Saana, par l'exploitation à tout instant du burlesque des situations.
Les personnages ne perdant pas de vue que de tous les pays comme de toutes les époques, donc aussi aujourd'hui et ici, entre tous, toujours, il y a d'un homme à l'autre, des mots qui sont le propre fil conducteur de l'humanité